Les 3 pôles à réunir sont :
- Une potentielle « bonne victime »
- Un « bon public » que l’on pourrait comparer à la « Plaine » (ou aux « crapauds du Marais » dans les années 1790)
- Un potentiel « bon harceleur »
Chacun de ces 3 pôles doit agréger 1 à 4 conditions pour que l’ensemble fonctionne : en tout 9 ingrédients.
- Pour faire une bonne victime il faut tout d’abordun enfant pas trop sûr de lui,
4 ingrédients :
- Une piètre opinion de lui-même et de ce fait peu assertif.
- Un déséquilibre dans l’image qu’il se fait d’autrui, qu’il surdimensionne systématiquement par rapport à sa propre image.
- Une (trop) grande sensibilité à l’opinion et au regard des autres
- Une mauvaise capacité à communiquer, à la fois avec lui-même : monologue intérieur négatif, et avec les autres, y compris ses parents.
+ Pas d’action concrète pour modifier ces 4 points
- Pour faire un bon public, il faut :
Un groupe avec des profils d’enfants variés prêts à aller dans le sens du vent :
il faut des enfants plus ou moins apeurés, peu sûrs d’eux, indécis, n’ayant pas une trop bonne opinion d’eux-mêmes ou faisant l’effort d’avoir une trop bonne opinion d’eux-mêmes.
Il faut des « lâches », il faut des victimes potentielles effrayées, des jaloux et des revanchards. Il faut aussi des enfants qui recherchent de la notoriété.
N’ayant pas trouvé de façon plus légitime ou plus valorisante d’en avoir, ils leur semble alors que côtoyer une « vedette » fait retomber son « aura », en plus de sa protection, sur eux-mêmes.
Ce bon public sera constitué de ceux qu’on nomme habituellement les suiveurs et les témoins.
- Pour faire un bon harceleur potentiel il faut également 4 ingrédients.
- Un enfant présentant :un déséquilibre, une difficulté avec sa propre opinion sur lui-même (sur ou sous-dimensionnée)
- Qui présente également une difficulté dans son évaluation de la « valeur » d’autrui (repères altérés)
- Qui attache une très grande importance à l’opinion publique et au regard qu’il pense que son public pose sur lui. Qui a un besoin excessif de « notoriété » pour se remplir et pour « exister ».
- Il lui faut ressentir un «vide » , assez vertigineux pour qu’il soit prêt à tout pour le combler.
+ pas d’action permettant de modifier par anticipation cette dynamique en germe.
Grâce à ces 9 éléments réunis (plus 2 non-actions), vous réussirez à mettre en place, rapidement, et sûrement un bon harcèlement scolaire.
Ôtez un ou plusieurs de ces ingrédients et, selon ceux que vous retirerez, votre harcèlement sera déjà moins efficace.
Il faut faire bien attention à ceux que vous retirerez car certains sont fondamentaux pour le succès du harcèlement !
En particulier 2 d’entre eux, qui, si vous les neutralisiez vraiment, risqueraient d’anéantir à sa source toute probabilité de harcèlement ( car ils en annuleraient les bénéfices ultimes). Examinons séparément ces 3 pôles et voyons ce qu’il ne faut surtout pas faire pour supprimer les chances de réussir un bon harcèlement.

Reprenons le problème dans l’autre sens, et voyons comment éradiquer toute tentation de harcèlement à l’école.
Penchons-nous sur les raisons de l’échec, dans la lutte telle qu’elle est proposée aujourd’hui.
Deux erreurs majeures conduisent à cet échec :
Il y en a une commise par l’Éducation Nationale qui pense que le harcèlement est plus ou moins inéluctable parce qu’il a toujours existé.
C’est pourquoi l’Éducation Nationale n’utilise que des méthodes partielles et des principes qui ne s’attaquent qu’à un ou 2 aspects du problème surles 5 qui sont de son ressort. Elle omet les deux les plus importants.
L’autre est commise par les parents, qui pensent en toute bonne foi qu’il ne faut s’occuper de ces problématiques que si elles se présentent. C’est à dire une fois que l’enfant y est confronté.
Cette fois l’erreur est d’attendre de faire face à la situation pour s’en préoccuper.
Ma comparaison inlassablement est toujours la même : la natation.
Est-ce qu’on attend que les enfants soient seuls à se débattre au milieu de l’océan pour leur apprendre à nager ?
Vous évaluez les capacités de flottaison de l’enfant en eaux calmes pour lui apprendre les bons réflexes, ceux qu’il doit maîtriser une fois qu’il se trouve au milieu des hautes vagues, n’est-ce pas ?
La règle absolue pour réussir à mettre en échec toute tentative de harcèlement est donc l’anticipation, côté proie et côté tourmenteur.
Pôle 1 la proie potentielle.
Pour les parents, il s’agit de commencer par déterminer le degré de vulnérabilité de leur enfant.
Il est peut-être calme et travailleur, ou sensible, ou timide et peu assertif. Peut-être
est-il simplement dans son monde. Peut-être est-il à haut potentiel, ou peut-être est-il peu
confiant, peut-être encore se sent-il différent ?
S’ils ont un doute et pensent que leur enfant présente des traits de caractère susceptibles d’en faire une proie, il leur faut pousser au plus tôt les 4 curseurs suivants :
Agir sur :
• Le regard de l’enfant sur lui-même
• Le regard de l’enfant sur autrui
• Ce qu’il perçoit de ce que « les autres » pensent de lui
• ET la communication déclinée en : Communication – Confiance – Complicité
+ sa communication envers lui-même : son monologue intérieur.

Ce travail,effectué en profondeur lorsque l’enfant est assez jeune, le rend assertif, sûr de lui, peu sensible voire indifférent aux opinions d’autrui, résilient, et capable à la moindre alerte de parler instantanément à ses parents.
Il quitte, par là même, le groupe des proies potentielles, car les harceleurs, qui cherchent toujours la facilité, s’en prendront à plus vulnérable.
Mon enfant est sorti d’affaire, très bien ! Mais qu’en sera-t-il des autres ?
- Si 4 de ces leviers sont dans les mains des parents, quid des 5 autres ?
- Les 5 autres sont du ressort de l’éducation nationale. Malheureusement, pour l’instant dans la lutte contre le harcèlement scolaire, sur ces 5 leviers, seuls quelques-uns sont activés, souvent de manière partielle, aléatoire et a posteriori.
J’imagine que, comme nous, l’institution est imprégnée de l’idée que la guerre des boutons, ayant toujours existé, la lutte est inégale et plus ou moins perdue d’avance ?
Je suis peut-être toute seule avec cette pensée mais je ne suis pas d’accord. Nous avons dans notre musette de nouvelles recherches et de nouveaux outils.
Nous avons vu qu’il est possible d’agir sur le premier pôle, voyons ce qu’il en est des 2 pôles restants c’est à dire:
Le bon public et le harceleur potentiel.
Au sein de ces 2 pôles, modifions, un à un, les 5 éléments nécessaires à la mise en place du harcèlement.
Pôle 2 le harceleur nos 4 Leviers d’action
Il faut jouer profondément (ce qui signifie l’engager à intégrer les données par lui-même et non pas sous forme d’injonctions ce qui ne sertstrictement à rien) sur :
- Sa vision de lui-même.
- Sa vision des autres (en détricotant le simplisme de certains points de vues)
- Sa perception du jugement* du collectif son public(*que l’on travaille et fait bouger en parallèle), envers lui-même et ses actes
- Remplir les vides initiaux et apprendre à communiquer sur un autre mode.
Il peut être intéressant de l’aider à faire évoluer son monologue intérieur mais ce point là est hors de portée de l’école, c’est de l’ordre de la thérapie.

Pôle 3 Le « collectif » 1 levier
- Il s’agit d’éclairer et de mettre du réalisme sur leurs repères erronés pour les transformer (indépendamment de la morale et de l’empathie).
Modifier leur vision, leurs automatismes, et leur habitude de considérer que 1+1 font 3 en rétablissant que 1+1 font bien 2.
Le plus efficace étant de poser tous ces préalables avant toute tentation et manifestation de harcèlement.
- Nous avons fait en sorte que le harceleur potentiel ne récolte plus les gratifications* attendues et n’ait plus d’intérêt à prendre ce rôle. (* ceci fonctionne avec des enfants lambdas, hors pathologies spécifiques)
- Nous avons fait en sorte que le bon public, témoins et suiveurs,n’accèdent plus à aucune gratification personnelle en se rangeant du côté du harceleur car s’ils le faisaient ils deviendraient à leurs propres yeux, ainsi que publiquement, les boloss qu’ils critiquent ce qui est l’inverse du but recherché.
Voilà les 2 conditions les plus déterminantes à supprimer pour éradiquer le harcèlement
Il restera à donner à chaque protagoniste de quoi remplacer, et combler autrement les déséquilibres et manques à l’origine de ces mauvaises directions.
Travailler sur le bon public consiste à faire évoluer avec des explications simples voire ludiques, la compréhension de la signification cachée des comportements de chacun.
En jetant un œil derrière le rideau et en observant, avec tous les enfants, les détails des origines et des motivations des actes malveillants, « l’admiration » éprouvée envers le boss tombe d’elle-même.
Il s’agit deleur permettre de s’en rendre compte par eux-mêmes, enles simplifiant, de la nature des schémas et des réflexes pavloviens qui interviennent dans leurs interactions, en évitant de se limiter, comme trop souvent, à des sanctions, à des menaces de représailles, à un travail sur l’empathie, sur la morale, ou à une tentative de solidarisation du groupe qui ne repose que sur ces propositions.
Car tant que les protagonistes tireront un avantage supérieur à rester dans leur catégorie, ces techniques habituelles ne fonctionneront qu’à la marge et laisseront du champ à un certain nombre de harceleurs !
Par contre, si l’on met à plat certains mécanismes, et que l’on s’aperçoit que les origines cachées de ces actions hostiles sont assez misérables, plus personne ne voudra appartenir à la catégorie des « marmiteux » !
Nous auront fait évolué l’essentiel : leurs repères.
En activant les bonnes manettes et en poussant les bons curseurs les enfants basculent vers cette évolution, par eux-mêmes.
* * *
Si tous les ingrédients d’un bon harcèlement sont là, l’éradiquer en les travaillant un par un est plus que réaliste non?
Alors, pourquoi l’Éducation Nationale reste échec et mat, et le fléau continue-t-il de s’amplifier ?
On a généralement tôt fait de mettre en cause l’Éducation Nationale, c’est la faute à l’Éducation Nationale. L’Éducation Nationale ne fait pas le job. L’Éducation Nationale ceci, l’Éducation Nationale cela…
L’Éducation Nationale c’est : 1 202 000 personnes dont 859 000 qui enseignent + 332 800 qui travaillent, pour certains jours et nuits avec la passion chevillée à l’âme, mais.
C’est une grosse machine, un mammouth je crois ?
Mettons immédiatement de côté certaines brebis qui, comme dans tout groupe, peuvent se révéler galeuses et restons sur la majorité.
En partant de la base de la pyramide, souvent assommée de directives changeantes et contradictoires, en passant par toutes les strates, jusqu’au sommet, 1 202 000 personnes qui font de leur mieux avec ce qu’on leur donne.
Qui dit grosse machine, dit multiplication des points de blocage, difficultés à se renouveler, manque de réactivité.
Cela n’empêche pas la « base » de faire preuve de créativité, mais ce fourmillement d’idées aura du mal à se structurer et s’étendre.
Il ne faudrait pas tout jeter non plus, les habitudes ne sont-elles pas aussi ce qui fait tenir et fonctionner le système ?
Bienvenue en terre inconnue
Marianne Delalande, Auteure – Enseignante – Psycho-Praticienne- Spécialisée dans la lutte contre le harcèlement.
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