» C’est ce féminisme viral, contagieux, qui diffuse le sentiment d’appartenance à une communauté de destins, la sororité, qui fait peuple, sur de nouvelles bases. »
Entretien avec Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc auteurs du livre « Le peuple des femmes. Un tour du monde féministe (Flammarion, 2022) » qui est une enquête sur les pratiques et les voix des femmes dans le monde.
Fabienne est une philosophe spécialisée en philosophie de l’art, philosophie morale et politique et théorie féministe, professeure de philosophie à l’Université Paris 8, présidente de la ComUE Paris-Lumières.
Guillaume Le Blanc est un philosophe et écrivain, professeur de philosophie sociale et politique à l’Université de Paris-Diderot, directeur du laboratoire du Changement Social et Politique.
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Bonjour Fabienne, bonjour Guillaume pouvez-vous nous expliquer, pour l’écriture de ce livre, le déroulement de votre voyage et son objectif ?
Fabienne : Pour pouvoir écrire Le peuple des femmes. Un tour du monde féministe, nous avons littéralement fait un voyage autour du monde. Partout où il nous a été possible de nous rendre, nous avons enquêté, et, suite au confinement, nous avons poursuivi notre enquête en identifiant des voix de militantes, théoriciennes, activistes, alliés, personnes trans, etc., pour nous aider à comprendre ce qui est en train de se passer, d’émerger. Notre voyage autour du monde est un tour du monde des mouvements d’émancipation des femmes au Nord et au Sud, et ceci conformément à une conception de la philosophie comme « reportage d’idée » selon le mot de Foucault que nous avions déjà pratiqué dans un livre antérieur, La fin de l’hospitalité. La finalité était donc de faire connaître les pratiques féministes, de les rendre visibles et de les analyser dans le cadre d’un féminisme d’aujourd’hui qui est avant tout un féminisme de mouvement.
Guillaume : On a récusé toute idée a priori du féminisme. C’était déjà notre méthode dans La fin de l’hospitalité. Plutôt que de partir d’emblée équipé avec un concept d’hospitalité ou de féminisme et de voir ensuite, dans la réalité, à quoi ça correspond, notre méthode fut de mettre entre parenthèses toute idée a priori et de partir faire une enquête. Au début il y avait ce qui a démarré en 2017 avec #MeToo mais très rapidement les féminismes des Sud nous ont fait trouver d’autres routes, d’autres chemins. C’est ainsi que notre carte s’est progressivement documentée de toutes les enquêtes menées dans le monde. Nous avons fait entrer d’autres voix dans notre livre, une vingtaine, issues du monde entier, en considérant qu’elles nous mettaient en rapport, tels des diamants, avec des veines souterraines que nous avons exploré pour avoir accès à des pratiques féministes, cachées, enfouies, profondément intéressantes. Nous avons restitué l’archéologie politique et sociale de ces voix venues du monde entier.
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Vous indiquez que les femmes manifestent une nouvelle exigence de justice qui est désormais la norme, la justice de genre. Comment définissez-vous cette dernière ?
Fabienne : La justice de genre naît quand l’exigence de justice sociale ne repose plus seulement sur la redistribution des richesses mais sur la redistribution des pouvoirs entre les femmes et les hommes et entre les différentes façons de faire sexualité ou genre. Nous avons constaté que dans les assemblées, dans les grèves féministes, c’est l’affirmation d’une autre justice qui se construit. S’est dégagée l’idée que la justice, telle que pratiquée dans toutes les parties du monde, est loin d’être neutre, qu’elle est habitée par des préjugés et des stéréotypes de genre. La demande d’une justice de genre n’est pas une demande séparatrice, c’est d’abord une demande correctrice.
Guillaume : On voit clairement qu’il n’y a pas de neutralité de justice grâce à l’exemple du chant des Chiliennes de Las Tesis. Quand elles déclarent « le violeur, c’est toi, c’est le policier, c’est le juge, c’est l’État », elles mettent en avant la construction genrée des institutions d’État qui sont trop souvent l’expression d’un monopole des hommes. C’est donc une demande de changement de système. La justice de genre met en évidence les frontières de la souveraineté mâle et de la société patriarcale.
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« Le peuple des femmes n’est donc pas le symétrique du peuple des hommes. Il affirme qu’à la racine de tout monde commun se tient l’enjeu central d’égalité. ».
Ce n’est donc pas le peuple des femmes contre le peuple des hommes ?
Guillaume : Non effectivement, le peuple des femmes est profondément original. Sur quoi s’est construit le peuple des hommes ? Historiquement, dès le 17ème siècle, il est lié au sort des plus faibles, des plus démunis par opposition aux privilégiés, c’est ce peuple qui se confondra au 19ème siècle avec la classe des prolétaires. Cette frontière sociale qui fait peuple a effacé les femmes. Tout comme la frontière nationale par laquelle le peuple s’est construit avec l’affirmation d’une souveraineté viriliste dans les limites de frontières qu’il faut faire respecter. Ce qui est très intéressant aujourd’hui, c’est que la création de ce peuple se fait sur de toutes autres bases, grâce à des revendications qui prennent la forme de voix qui s’assemblent, se rassemblent par-delà les frontières, de façon transnationale.
Fabienne : Le peuple des femmes ne se fait pas contre les hommes. Il s’agit d’abord d’un peuple empêché dans l’histoire. Il suffit de penser à la chasse faite aux sorcières en Europe aux XVe et XVIe siècles ou au suffrage universel de 1848 en France dont les femmes ont été exclues. Ce peuple empêché s’élargit à tous les vaincus du monde, les subalternes, toutes celles et tous ceux dont la voix est niée, effacée. Ce que montrent ces mouvements féministes partout dans le monde, c’est que c’est surtout un peuple de toutes celles et de tous ceux qui ne comptent pas et qui veulent compter. Il y a donc là l’expression d’une puissance collective qui organise une internationale de la sororité et de subalternité, mais depuis des situations de dénonciation des oppressions toujours très localisées, et qui se propagent de façon très virale par les réseaux sociaux pour franchir les frontières.
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Néanmoins, nous assistons sans conteste à une lutte des pouvoirs. Ce pouvoir préempté par les hommes leur est donc désormais disputé par les femmes ?
Fabienne : Il ne faut pas s’y tromper. Les luttes actuelles sont des luttes pour le pouvoir, pour une redistribution des pouvoirs, eu égard à un système qui est dénoncé et que les féministes nomment souvent le capitalisme patriarcal. Le féminisme est subversif : il s’agit bien de repenser la distribution des places et de remettre en cause les hiérarchies économiques, politiques, sociales qui sous-tendent ces places.
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#MeToo reste perçu comme un mouvement principalement occidental. Qu’en pensez-vous ?
Fabienne : #MeToo certes est, pour beaucoup de personnes, un foyer de contestation occidental car les gens ont en tête 2017 les plaintes pour harcèlement et pour viol contre Harvey Weinstein d’actrices dont celle d’Alyssa Milano. Mais il ne faut pas oublier toute la dimension vitale de MeToo, le fait que moi aussi devienne moi aussi dans presque tous les pays du monde. Il y a un MeToo coréen, libanais (#AnaKamen), avec des variations comme le MeToo Sénégalais (#Nopiwouma), ou Marocain (#Masaktach) qui signifie « Je ne me tairai pas ». Cette viralité fait imploser les frontières, elle organise un féminisme par le bas plutôt que par le haut : c’est bien de manière mondiale une prise d’assaut de la parole.
Guillaume : L’une de nos surprises, cela a été de nous rendre compte que #MeToo n’a pas été créé en 2017 mais en 2007 par une travailleuse sociale Noire-Américaine Tarana Burke qui a créé ce mouvement lorsque, confrontée à une jeune femme Noire violentée par un policier elle s’est exclamée : « Moi aussi » et a créé la communauté des survivantes de toutes ces violences policières qui se trouvaient être des femmes de couleur, d’origine étrangère, des frontalières, toutes les femmes socialement précarisées et faisant l’objet des violences policières. Cette première origine de MeToo déplace sensiblement la scène militante vers les quartiers, vers les frontières, elle s’agrège à tous les féminismes des Sud qui, en Argentine avec Ni Una Menos depuis 2015, au Mexique, ont dénoncé les féminicides en donnant une nouvelle signification à la catégorie.
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Au gré de ce tour du monde, quelques initiatives notoires de ce que font aujourd’hui les femmes pour lutter contre la domination masculine ?
Guillaume : Elles luttent sur tous les fronts, elles réinventent la grève en contestant la division travail productif/travail reproductif, elles marchent, elles font des mémoriaux où l’on peut y lire les noms et les histoires des femmes tuées par les hommes, elles collent, partout ce sont des inventions qui passent par des gestes de détournement
Fabienne : Ce qui s’invente, ce sont de nouvelles organisations des luttes comme les luttes des femmes paysannes du Mouvement des Sans Terre au Brésil, Indiennes pour la plupart, qui s’organisent pour se réunir à Brasilia et penser la manière dont elles peuvent cultiver collectivement des terres contre les expropriations capitalistes, les déforestations, mais aussi contre l’appropriation souvent violente de ces terres par les hommes. On peut aussi penser au mode assemblaire de #Ni Una Menos, aux paysannes Indiennes qui se collent aux arbres pour les protéger, aux Iraniennes obligées de porter le voile qui se filment la tête nue, brandissant leur voile autour d’un bâton sur une place publique.
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Vous pensez que « La force des mouvements féministes actuels tient à leur incarnation disséminée dans le monde entier. » Comment ce processus d’internationalisation, disséminé et disparate, peut-il faire émerger « un peuple des femmes » ?
Guillaume : En fait, on n’est pas tant sur un processus d’internationalisation que sur quelque chose de transnational. L’international c’est encore la relation entre nations. Et donc c’est vrai que dans les années 80 jusqu’à il y a peu, et encore aujourd’hui, tout un féminisme par le haut se développe depuis les relations entre gouvernants, sous l’égide très souvent des associations internationales. Ce qu’il y a de remarquable c’est que l’on a affaire, comme disait Fabienne tout à l’heure, à un féminisme par le bas, des mouvements ; ce qui se diffuse ce sont des revendications populaires, situées, mais qui font contagion. Un exemple : la grève des femmes en Pologne en octobre 2016 est reprise moins de 10 jours plus tard en Argentine et revient ensuite en Italie, en Espagne, après être passée par d’autres pays d’Amérique du Sud. C’est ce féminisme viral, contagieux, qui diffuse le sentiment d’appartenance à une communauté de destins, la sororité, qui fait peuple, sur de nouvelles bases.
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Si le mouvement de libération de la parole à l’œuvre a des impacts positifs non négligeables, la nécessité de mobilisation pour faire appliquer l’égalité de droits et de traitement est toujours aussi nécessaire. En effet, comment expliquer que la Russie a aboli sa loi contre les violences conjugales au nom de la tradition nationale. Au Portugal, un tribunal a déconsidéré le témoignage d’une femme victime de violence conjugale parce qu’elle était « trop émancipée pour se laisser faire ». En Suisse, le Conseil fédéral a refusé une initiative proposant un congé paternité de 20 semaines.
Guillaume : Il n’y a pas, de notre point de vue, à opposer libération de la parole et mobilisation pour l’égalité des droits. L’une permet l’autre. En réalité, le phénomène #MeToo a consisté d’une part dans la prise de parole que Michel de Certeau avait identifiée comme un événement révolutionnaire pour mai 68 comparable à la prise de la Bastille, et, d’autre part, dans l’appropriation de canaux auditifs permettant, tels les réseaux sociaux, de propager cette prise de parole et de l’imposer comme événement mondial. MeToo a tout autant été, dans sa viralité, la libération de la parole que la création d’une structure auditive accueillant de façon hospitalière cette parole, la prenant en considération et la propageant. Il se trouve que cette propagation virtuelle a des effets sur la réalité même de nos sociétés. Car ce qui s’impose, grâce à cette assemblée des voix transnationales, c’est la revendication d’une justice de genre qui ne pourra rester indéfiniment aux portes de la justice institutionnelle. Il existe, on le sait, un genre de la justice tout comme il existe un cadrage national de chaque justice. La contradiction des justices tient précisément, souvent, à l’impensé de genre qui constitue les pratiques de justice tout autant qu’au très fort cadrage national. La justice est alors travaillée par une contradiction entre sa vocation universelle et sa limitation nationale ou genrée. Paradoxalement, les nouvelles formes transnationales de militantisme pour une justice de genre portées par les femmes mais aussi par les LGBT+ et par les alliés font pression pour que l’on revienne sur ces attendus nationaux et genrés et pour que l’on fasse justice autrement. Est-il normal, par exemple, que le délai de prescription du crime de viol et des délits d’agression sexuelle ne soit pas remis en question aujourd’hui encore.
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Il est apparu une élite féminine occupant des positions de pouvoir dans les associations, les entreprises, les médias, etc. On peut considérer que ces dirigeantes sont une avant-garde qui prépare une amélioration du sort de l’ensemble des femmes. Mais on peut aussi se demander si elles ne se sont pas éloignées de celles qu’elles sont censées représenter ou auxquelles elles souhaitent s’adresser ?
Guillaume : Il faut se méfier de cette idée de l’élite féminine. En tout cas, dans notre enquête, nous nous sommes rendus compte que les pratiques féministes les plus importantes sont celles qui partent d’en bas, qui définissent précisément ce que l’on nomme un féminisme d’en-bas, ordinaire, par opposition à un féminisme d’en-haut, incarné par une élite, il ne s’agit pas de construire une guerre des féminismes mais plutôt de remarquer que ce féminisme élitaire n’a pu se constituer que sur les bases d’une aliénation et d’une invisibilisation des catégories les plus populaires des femmes. Longtemps cela a pu donner l’idée que le féminisme était une invention occidentales d’Occidentales parvenant à faire jeu égal avec les Hommes, mais en effaçant les problèmes des femmes des classes les plus populaires, en effaçant aussi les logiques propres aux femmes racialisées, de couleur, au point que ce féminisme s’est avéré finalement contre-productif. Il nous a semblé plus important de repartir des périphéries, des marges pour y déployer ce que bell hooks nomme le double point de vue des femmes situées dans les marges et faisant l’expérience du centre.
Fabienne : Tout comme le ruissellement des riches aux pauvres, contrairement à la croyance libérale, ne marche pas dans la société, il ne marche pas davantage entre femmes aux niveaux de vie si disparates. Au contraire, quand il y a une concentration des richesses, économiques mais aussi symboliques, entre les mains de certaines femmes, elle se fait au détriment d’autres femmes, d’autant que des chaînes spécifiques d’exploitation et de dépendance peuvent alors se constituer, et ce jusque dans les relations de soin : les femmes riches emploient des femmes pauvres, souvent étrangères, parfois sans papiers, pour garder leurs enfants, nettoyer leur maison, s’occuper des parents, et ces femmes souvent migrantes quittent à leur tour leurs pays et laissent des enfants ou un foyer dont s’occupent d’autres femmes ou des hommes, selon une logique de « care drain », de capillarité des soins bien documentée par les théoriciennes du « care ».
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Le souci affiché par un certain nombre d’États de lutter contre les discriminations dont les femmes sont l’objet, et qui aboutit parfois à la création d’un poste gouvernemental : « Le féminisme d’Etat ». Bilan satisfaisant ?
Fabienne : Notre propos, dans Le peuple des femmes, est vraiment de faire une analyse des féminismes d’aujourd’hui qui sont largement des féminismes de mouvements : marche, assemblée, grève, occupation des espaces publics, collages sur les murs, constitution de mémoriaux, propagation des voix sur les réseaux sociaux. Si ces mouvements se développent à ce point jusqu’à se caractériser à la fois dans la séparation et dans la prise de parole, c’est que le féminisme d’État et les politiques publiques menées au nom de l’égalité des sexes, ne fonctionnent pas ou insuffisamment. Ou le plus souvent, quand ils finissent par fonctionner, c’est quand les mouvements des femmes se sont suffisamment structurés pour instaurer un rapport de force tel que l’État ne peut plus reculer. Il suffit de voir ce qui s’est passé en Argentine et même en Islande où, à partir de 1995, ce sont les grèves des femmes massivement suivies qui obligent l’État à faire une réelle politique d’égalité des sexes. La demande de justice formulée de manière répétée est essentielle.
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Un homme ou une femme sur quatre déclare (Source Ipsos) craindre de s’exprimer en faveur de l’égalité des droits pour les femmes (26 % et 23 % respectivement). Comment interprétez-vous ces chiffres ?
Guillaume : Nous avons montré dans Le peuple des femmes l’importance de la norme de la loyauté. Elle pèse sur toutes les conduites, des femmes comme des hommes. Et si elle s’exerce comme un ensemble d’attendus formulés par les hommes et que les femmes doivent honorer, il n’en reste pas moins que les hommes sont également tenus de se soumettre à ces rôles qui sont d’abord liés à une dichotomie de genre reposant sur des conduites largement incorporées aux hommes et aux femmes et qui doivent réitérer la séparation de ces corps à même leurs conduites. Ainsi, s’affirmer en faveur de l’égalité, c’est rompre avec cette norme de la loyauté, c’est réclamer un « désirable » alternatif à cette vie asphyxiée par les conduites de loyauté. Il faut alors s’interroger sur le pont suivant : pourquoi tant d’hommes mais aussi de femmes ne veulent pas de l’égalité ? Et les raisons sont distinctes. Les hommes, en tant qu’ils sont les auteurs de cette loyauté, ont tous les bénéfices du monde, à rester dans l’inégalité : ils n’ont littéralement aucun intérêt à partager le pouvoir car cela reviendrait à le perdre, aussi reproduisent-ils, même s’ils doivent en souffrir, les inégalités de genre et rentrent-ils dans des justifications qui produisent une vie psychique qui n’est plus la leur. Les femmes, quant à elles, pour lutter pour l’égalité, doivent se déclarer déloyales, elles doivent sortir des conduites attendues et prendre le risque de prendre la porte, de se séparer dans une forme d’Exit que nous interprétons dans le livre comme la condition d’une prise de voix renouvelée.
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Les féminismes arabes, africains ou sud-américains n’ont pas attendu #MeToo pour se manifester. Mais ce mouvement semble avoir apporté une visibilité, une attention des médias, et peut être également créé une certaine émulation, un effet de solidarité voire de « sororité internationale ». A quand « Le peuple des femmes » ?
Fabienne : Ce peuple doit tout d’abord apparaître à travers sa puissance féministe. Il faut déjà le décrire, l’analyser, le faire reconnaître partout dans le monde et dire clairement qu’à travers notre voyage notre grande découverte a été la richesse des féminismes du Sud et leur engagement contre les violences faites aux femmes mais aussi contre les prédations capitalistes faites à la terre, la déforestation ou le pillage de l’eau. #MeToo crée la prise de conscience d’un universel de l’oppression des femmes malgré des situations nationales ou locales très différentes dans le monde.
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La Russie vient d’envahir l’Ukraine. A cet instant, les combats se déroulent dans différentes villes et notamment Kiev. Sans préjuger de l’avenir, nous savons que lors des processus de paix les femmes représentent seulement 2% des médiateurs, 5% des témoins et signataires, et 8% des négociateurs dans les processus de paix majeurs.
Et pourtant la participation des femmes dans ces processus augmente de près de 35% la probabilité d’un accord durable ! Pourquoi les nations se privent-elles des femmes qui sont symboles et synonymes de paix ?
Fabienne : Les nations se privent de l’apport des femmes dans la guerre tout simplement déjà parce que la guerre est conduite bien plus que la paix par les hommes et par un ordre viriliste : le combat avec les armes, la force, la bravoure, l’héroïsme sont considérées comme des valeurs virilistes d’autant que dans presque tous les pays du monde on écarte les femmes des combattants. Elles sont auprès des morts ou des blessés, des enfants et des personnes âgées. Si la guerre malheureusement dure, elle renforcera partout en Russie, en Ukraine mais aussi en Europe poids du patriarcat et les femmes devront combattre plus que jamais. Ces assignations font que les femmes ont plus de recul dans la guerre et effectivement, souvent, en appellent davantage à la paix. On sait qu’il y a en Russie, de manière discrète, des rassemblements de mères pour protester contre la disparition de leurs fils dans les guerres comme il y avait eu en Argentine au moment de la dictature les mères de la Place de Mai. L’Ukraine est assiégée, attaquée : on présente ses hommes résistants avec les armes, son président que l’on dit plein de bravoure mais quid des femmes ? Que font-elles ? C’est à nous féministes de prendre contact avec elle, de consolider ce féminisme transnational, d’essayer de faire peuple avec elles alors même qu’elles sont effacées, oubliées dans cet ordre totalement masculin.
Propos recueillis par Michael John DOLAN, Women Today
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